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16Juin/17Off

Les végétariens ont pris le pouvoir

«Ces deux ou trois dernières années, les thématiques de la protection animale et du véganisme ont glissé de la marge underground au succès mainstream, à la manière d’un groupe qui passerait enfin sur les grandes ondes après des années de concerts en MJC.» Ce constat, c’est celui de Théo Ribeton, dans l’essai V comme Vegan. Le trentenaire, critique de cinéma, y raconte autant ses recherches et ses lectures que son parcours, ce qu’il a vu évoluer et se transformer. Et oscille dans son livre entre son expérience du végétarisme, et son intérêt pour le véganisme (ne consommer aucun produit issu des animaux ou de leur exploitation) vers lequel il est en transition. Je suis devenu végétarien il y a cinq ans. Ça me trottait dans la tête depuis un petit moment. J’étais dans une position paradoxale, convaincu par les arguments mais sans trouver l’impulsion pour traduire ça en actes. Le déclenchement, ça a été d’être hébergé en couchsurfing, donc à titre gratuit, pendant quelques jours chez des gens que je ne connaissais pas à Berlin. J’avais apporté des cadeaux, du saucisson, des trucs comme ça. Et en fait, ils étaient tous végans. Le fait de me retrouver à manger tout seul pendant une semaine le cadeau que j’avais apporté, ça me mettait dans une position assez grotesque et je crois que c’est ce sentiment qui m’a donné envie de tester. Mais ça aurait pu être autre chose. Puis j’ai commencé à travailler sur le sujet. Ce n’est pas toujours évident de parler de cela quand on n’est pas soi-même végétarien ou concerné. Dans le livre, je me suis intéressé à ce qui avait basculé dans les médias, dans les mœurs, dans les discours politiques, tout en articulant cela avec mon expérience personnelle. Quand je dis que la viande sera devenue dans quinze ans un produit non pas interdit, mais sulfureux, et entouré d’une sorte de frisson de l’interdit, c’est quelque chose que je ne peux pas corroborer par des faits – je peux faire l’inventaire de ce que j’estime être des indices, mais il y a une part de pari qui vient de mon expérience. J’ai vu une très grande normalisation de cette thématique. L’exemple des animateurs télé est parlante. Quand Aymeric Caron est apparu, ça a été un événement pour la reconnaissance du végétarisme en France. Il a fait une espèce de happening à la télévision, il s’est mis à en parler tout le temps. Puis il n’avait plus besoin d’en parler, parce qu’on venait lui en parler. Il était identifié comme le premier végétarien de France. Et il le faisait avec beaucoup de combativité, avec la volonté de provoquer, de choquer, de mettre les invités et donc les téléspectateurs, devant l’hypothèse d’une violence dans leur consommation de viande. Tout ça au prix de sa popularité. Alors que lui était détesté, aujourd’hui, des personnalités comme Pierre-Emmanuel Barré ou Guillaume Meuricesont tout aussi végétariens et sont au contraire très populaires. Je pense qu’Aymeric Caron a pris les balles, et qu’aujourd’hui les gens sont prêts à entendre ça. Le végétarisme n’est plus perçu comme une radicalité ou comme une marge, ou comme un délire d’ami des bêtes, mais comme une volonté profonde de la société. Ce qui a changé aussi, c’est que tout le monde a un rapport à ça, tout le monde se pose la question de sa consommation de viande. Sur les trois critères de définition du carnisme, considérer que manger de la viande c’est normal, naturel et nécessaire, je pense qu’au moins les deux premiers sont en train de s’effriter.

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